Bulletin n°66 : 1968
Résumé du bulletin n°66 :
L’année 1968 demeure l’une des périodes les plus marquantes non seulement pour Fontaine et Grenoble, mais aussi pour toute la France et le monde. Cet anniversaire est riche en événements, en changements sociaux, en mobilisations, et en transformations urbaines, qui ont laissé une empreinte indélébile dans l’histoire locale. À l’origine de cette année exceptionnelle, les Jeux Olympiques d’hiver de Grenoble, qui ont été une véritable vitrine d’une région en pleine évolution, ont ralenti la vie quotidienne locale, tout en permettant à la ville de s’affirmer sur la scène internationale.
Les Jeux Olympiques d’hiver ont débuté le 6 février 1968 avec une cérémonie d’ouverture où un fontainois, Richard Refuggi, a porté la flamme olympique à travers Fontaine, événement symbolique qui a réuni la communauté autour de cet événement mondial. La traversée de la ville par la flamme a permis aux habitants de vivre un moment de fierté collective, et de voir leur ville sous les feux des projecteurs internationaux. Tout au long de l’événement, la région a été en effervescence : les sites de compétitions, dédiés aux sports d’hiver, notamment à Chamrousse, Autrans ou Saint-Nizier, ont été construits ou modernisés pour accueillir sportifs et spectateurs venus du monde entier. La région a également mobilisé des militaires pour acheminer la neige, pour la préparation des pistes, ou encore assurer la logistique, illustrant ainsi la cohésion locale face à cet enjeu de taille. La flamme, portée par des sportifs locaux, a symbolisé l’unité et la fierté collective. Ces Jeux ont permis de révéler au grand public la beauté naturelle des Alpes et ont permis à toute une génération de s’identifier à cet événement sportif planétaire.
Mais au-delà des scènes sportives, 1968 a été une année de contestation profonde. La France tout entière a été secouée par un mouvement social massif, déclenché notamment par le mouvement étudiant et les revendications ouvrières. À Fontaine, comme dans de nombreuses villes, le mécontentement s’est manifesté par des grèves, des occupations d’usines, et des manifestations dans la rue. Les revendications portaient sur des questions salariales, des conditions de travail, mais aussi des libertés publiques et la réforme de l’éducation. Dans les entreprises locales, telles que Poma ou Siebec, des employés ont fait grève pour obtenir de meilleures conditions de travail ou des augmentations de salaire. Certains témoignages évoquent des scènes de tension, mais aussi des moments de fraternité, comme celui rapporté par Louis Crottier, qui décrit une grève où les ouvriers jouaient aux cartes ou partageaient leur casse-croûte, témoignant d’une solidarité face à l’adversité. Les mouvements se sont rapidement étendus, paralysant l’économie locale, avec des usines occupées ou en grève, ainsi que des écoles et des institutions culturelles.
Face à ces protestations, le gouvernement a dû engager des négociations. Les Accords de Grenelle, signés peu après, ont permis d’obtenir des augmentations de salaires importantes, ainsi que des droits nouveaux, comme la désignation de délégués d’entreprises. Ces accords, symboles d’une revendication sociale forte, ont marqué un tournant dans l’histoire sociale du pays. Le mouvement a également eu une dimension politique locale, avec la perte de certains élus qui s’étaient engagés dans ces luttes et la consolidation du pouvoir de la majorité gaulliste.
Par ailleurs, cette année a été aussi celle d’un renouvellement urbain, avec la mise en chantier de plusieurs projets importantes à Fontaine. La construction de nouveaux logements, tels que les 46 logements du groupe Marat ou les 94 HLM de la rue Jules Guesde, a permis de reloger des familles dans de meilleures conditions. Les écoles se sont étoffées : à la rentrée scolaire 1968-1969, la nouvelle école Anatole France a ouvert ses portes, équipée de vingt classes primaires et de cinq maternelles, accueillant environ 200 enfants du quartier des Alpes. La création de cette école, qui symbolise à la fois le développement de la ville et la réponse aux besoins de la jeunesse, constitue un des grands succès locaux de cette année. Des infrastructures complémentaires, comme un restaurant scolaire et un local pour la médecine scolaire, ont également été construits pour améliorer la vie quotidienne.
Dans le même temps, la vie culturelle et associative a connu un essor. La MJC du Château Borel, par exemple, a organisé des activités et des spectacles, comme le « livre vivant » dédié à François Villon, permettant aux habitants de participer activement à la vie communautaire. Des initiatives comme cette participation culturelle et festive ont permis de maintenir un lien social crucial durant cette période de grands changements.
Malgré tout, cette année 1968 a aussi été celle de tensions, de révoltes et d’incertitudes. L’écho des événements nationaux a été fort à Fontaine : manifestations, grèves, débats sur l’avenir de la société. La région a vécu un véritable choc, avec l’occupation d’usines, des manifestations massives, et la revendication d’un changement profond dans la société. La fin de l’année a cependant vu une certaine stabilisation : des progrès sociaux ont été obtenus, mais la société restait en mutation, entre tradition et modernité.
En définitive, 1968 à Fontaine a été une année charnière. Entre la célébration des Jeux Olympiques, qui ont offert un vent de fierté et d’espoir, et la montée de mouvements sociaux qui ont bouleversé le rapport au travail et à la société, cette période a marqué un tournant décisif. Elle a permis d’ouvrir la voie à de nouvelles aspirations, tout en consolidant les progrès réalisés dans la modernisation de la ville et dans l’émancipation sociale. Un souvenir mêlé de jubilation et de revendication, qui continue d’inspirer aujourd’hui, témoigne de l’esprit de cette année pas comme les autres, véritable année de tous les rêves, mais aussi de toutes les résistances.




